La grosses biotifoule expo

C’est à Colmar, à partir de demain, la foire éco-bio de tout ce qui est beau, bon, bien et alternatif.

Alternatif, c’est l’adjectif que les gentils organisateurs ont choisi pour qualifier l’endroit où ils ont concentré la bande d’agités à laquelle j’ai l’honneur d’appartenir.

C’est pas vraiment “un trou de verdure où chante une rivière accrochant follement aux herbes des haillons d’argent”, mais c’est le lieu idéal pour présenter et dédicacer ma petite littérature.

C’est dans le hall Air, allée peuplier, stand 60. Pour pas que vous vous perdiez, je vous joins une photo.

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Ceux qui viendront auront le droit de regarder le foot sans être critiqué.

Gattaz fils de son père

Tu seras patron mon fils. Dès ton plus jeune âge, l’argent sera ta religion, ton Eglise, avec ses sanctuaires, son décorum et ses saints. Ses évangelistes du marché qui distribuent sa bonne parole comme autant d’images pieuses aux petits garçons bien élevés. Tu seras patron mon fils. Pas un de ces petits entrepreneurs que l’on berne en les nommant première entreprise de France et dont tu prononceras le nom d’artisan avec ce dédain tout de gène empreint que l’on se doit d’afficher quand  on laisse échapper un gros mot. Non, toi tu seras patron. Pas un de ces types avec un salaire à trouver tous les mois pour chacun des trois gars avec lesquels il trime toute la semaine sans compter la femme qui assure le secretariat et la compta en plus de tout le reste. Non, tu seras patron, un vrai. A quoi bon diriger une entreprise dans ce pays si c’est pour ne pas figurer au moins dans les trois cent premières fortunes, franchement ? Non, tu seras patron, comme ton père l’était avant toi, et à tant faire, tu feras mieux que tout ça, tu seras également patron des patrons.  Tout comme ton père, également, l’était avant toi. Tu remettras de l’ordre dans la corporation, parce que une femme aux commandes, entre vous deux, tout le monde sait que ça a fait désordre. Tu seras patron des patrons, tu passeras à la télévision avec une régularité médiatique déconcertante. Tu auras même une télé à toi au sein de ta corporation, sur l’écran de laquelle on peut te voir te marrer en t’excusant mollement d’arriver en retard pour venir commenter le pacte de responsabilité que ton nouveau copain elyséen a taillé sur mesure pour se faire aimer de tous tes copains. Tu seras tellement sûr de ta supériorité que tu réciteras par coeur le discours nauséeux et de niaiserie débordante que tes communicants à cinq smics minimum t’auront pondu, en collaboration étroite avec leurs clones planqués au sein des ministères.  Soit un condensé de lapalissades économiques et de jérémiades corporatistes comme constitution essentielle de ta pensée. Tous les larbins  prépubères qui t’entourent font tellement dans leur couche-culottes à la seule idée de te déplaire qu’aucun d’entre eux n’ose te dire que tu devrais prendre quelques cours de diction, parce que émailler à ce point un discours de la même onomatopée interjective, redoublée, quintuplée, décuplée. Euh, vois tu, euh, à partir, euh, de vingt euh, j’ai arrété de compter, euh…

Compter, ça tu sais. Je passe au présent de l’indicatif pour créer une rupture temporelle propre à nous ancrer plus nettement dans la réalité de mon récit.  Dans ta famille, tout le monde sait compter. Tout le monde a toujours su. L’arithmétique patronale, c’est dans les gènes. Aussi attention à qui aurait l’outrecuidance de t’en remontrer en pointant la légère contradiction entre un smic que tu souhaiterais à huit cent euros et les presque trente pour cent d’augmentation de salaire que tu te balances. Il faut reconnaitre que tu es un rien brillant quand tu oses expliquer aux larbins qui pissent leur copie dans les médias de tes copains patrons qu’il faut bien que ceux qui en ont peu en aient encore moins afin que des mecs comme toi qui en ont beaucoup puissent en avoir encore plus. C’est tellement subtil que ça en est vertigineux. Enterré le père Mauss et sa théorie du don. T’es le nouveau Franklin Delano des banlieues ; ta devise c’est : ne rien donner, tout recevoir et ne rien rendre.

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Tu seras venu à Mutzig . On ne t’auras pas vu, forcément on n’aura pas été invité. (Pour ceux qui ont du mal à suivre, on vient de paser au futur antérieur pour une nouvelle rupture, plus à même de nous ancrer dans un registre narratif plus proche de la fiction.)
Quelques camarades intermittents du spectacle t’auront remis une lettre dans laquelle ils s’imaginent pouvoir interdire à un mec de ta stature, avec les réseaux qu’il a à sa botte, de ne pas manipuler le peuple. Comme si un type comme toi, à l’autorité toute de certitudes inébranlables consacrée et paré dans la dignité incontestable de la mise en scène de son existence idéale, pouvait y comprendre quelque chose aux artistes. A l’intermittence, au spectacle scénique, à la création vivante. Au quotidien de tous les types qui, dans ce pays, galèrent pour offrir aux enfants, mais aussi aux plus grands, autre chose que les merdes anglo saxonnes formatées que tes copains américains deversent sur les écrans de ce pays et qu’ils vont encore plus déverser lorsque François Responsabilité leur aura fillé les clefs du bouclard en ratifiant leur traité scélérat. Tu auras visité une pépinière d’entreprises que des élus locaux éblouis par ton aura t’auront présentée tels des enfants ramenant un bulletin prometteur en espérant recueillir un bon point. Puis tu seras reparti presque soulagé, parce que l’Alsace, dans ta culture et ton imaginaire réduits à une peau de chagrin, c’est comme la photo d’une ex qui ressurgit d’un tiroir lors d’un rangement : on n’arrive pas à la jetter mais on préfère ne pas l’avoir sous les yeux trop souvent, ça éveille des souvenirs pas trop agréables.
Au fond, je te trouve plutôt à plaindre quand j’y réfléchis bien. Tu n’auras pas eu d’enfance. Tu seras né patron donc tu seras né vieux et, à l’âge où d’autres deviennent adultes, tu seras déjà sénile.
Patron des patrons, en dehors d’être un titre, je me suis posé la question de la figure de style que cela pouvait être. Ce n’est pas vraiment une redondance, pas plus un pléonasme qu’un oxymore. Finalement j’ai trouvé . C’est un bégaiement.
Euh.

Qu’elle était morte ma vallée

L’homme de la vallée du sud de l’Alsace qui borde la frontière de la confédération helvétique est chanceux. Une fois passé le traditionnel couplet du huitième jour du mois de mai sur le sang impur abreuvant nos sillons, il a pu pendant trois jours d’affilée se cultiver. Pour cela il lui suffisait de se rendre au salon du livre que les gens bien intentionnés présidant aux destinées de la bonne ville de Saint-Louis s’entêtent à organiser depuis plus de trente ans. On ne va pas s’étaler là dessus pendant des pages. On y était. C’était comme d’habitude :  très bien !

On y a vu un ancien prélat de l’église catholique romaine, la mine toute de surprise feinte, se faire récompenser pour un ouvrage en forme de déclaration d’amour à une région qu’il a depuis quittée. On y a croisé un ancien directeur de magazine national venu se qualifier pour les olympiades des cracheurs de soupe dans la catégorie reine qui l’ a nourri pendant trente ans. On y a subi la foule des curieux venus s’abimer dans le spectacle navrant du chien d’une gloire du petit écran venu dédicacer son dernier os. On y a cherché le président du conseil régional. On ne l’a point vu. Il devait être occupé à voir son équipe de foot subventionnée trainer quatre vingt dix minutes d’errance dans un stade de la Meinau aux trois quarts vide. A moins qu’il n’ait eu piscine ou une excursion programmée en Lorraine.

Mais surtout, on a pu constater que lorsque la volonté politique de rassembler plus de deux cents auteurs , illustrateurs et acteurs de la chaine du livre était réelle, il se trouvait toujours plus de vingt mille personnes pour venir confirmer que la culture a sa place dans les vallées. Toutes les vallées ? Malheureusement non. Autre vallée, autre moeurs. A en croire le site internet de la troisième communauté de communes du Bas-Rhin se déroulait au même moment l’un des temps forts de l’année auquel nous avons échappé. Je ne mentionnerai pas le nom de la manifestation par respect pour la langue française. La communication étant comme de bien entendu en anglais.

Pour faire court, même payé une fortune, pour rien au monde je ne me mélerais à une foule venue admirer un défilé de mécaniques allemandes. Trop de mauvais souvenirs. Saisissez-vous l’allusion ou dois-je  devenir très lourd ?

Je ne conteste à personne le droit d’organiser un moment festif autour d’une passion commune pour de la carosserie. Il ne manquerait plus que ça ! Par contre, non seulement c’est mon droit de trouver cela infantile et pour tout dire completement con, mais surtout j’ai le devoir de m’interroger quant à la légitimité de faire passer un tel rassemblement pour un moment important dans la vie de la communauté à laquelle j’appartiens. Cela d’autant plus qu’à quelques lieues de là, plus haut dans la vallée, des artistes se sont rassemblés pour offrir autre chose en partage qu’un non-sens écologique plein de bruit et de fureur polluante.

Pour finir sur une note optimiste, le cinéma Rohan propose huit films d’ Ingmar Bergmann. Comment peut-on hésiter une seconde entre le beau visage de Liv Ullmann et le spectacle navrant d’une bagnole carossée comme un insecte ou celui encore plus affligeant, pour coller à l’actualité cinématographique, d’un lézard de cinquante mètres  de haut et de ses aventures révisionnistes ?

Poser la question est déjà une insulte à l’intelligence. Essayer d’argumenter serait le meilleur moyen de s’exposer à la lumière cruelle d’un diagnostique impitoyable : non seulement on serait infantile et con, mais en plus on serait mort.

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Livres et égos

Tout ce qui se passe en Alsace et qui ne se passe pas à Saint-Louis (Haut-Rhin ) n’a aucun intérêt. Vous n’avez pas le choix : soit vous êtes des nôtres ce vendredi, ce samedi et ce dimanche ; soit vous progressez lentement vers le statut d’ennemi de la race humaine. Ceux qui viendront seront dispensés de parloir au cas où je serais arrété pour trouble à l’ordre public. C’est pas parce qu’on est des drôles qu’on est des rigolos….

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C’est fou comme le temps débarrasse

Rude semaine pour les commémorations !

Entre le soixantième anniversaire, aujourd’hui, de la défaite qui allait mener à la fin de notre empire colonial et la victoire, jeudi, qui allait nous mener à ce qu’on est pas sûr de quoi que ce soit si on réfléchit bien… La mémoire va sacrément travailler. Bon mon papa y était  et je suis content qu’il en soit revenu. Gracias a la vida (c’est pas du vietnamien, mais je me comprends).

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Pour le reste, vous pouvez vous préparer à venir fêter la victoire des forces vives de la chaine du livre sur la désertification culturelle qui vient. C’est à Saint-Louis , Haut Rhin ce vendredi, samedi et dimanche. Il y aura plein de petits dessins et de longs discours. Par pitié ne me dites pas que vous avez piscine !
Promis on y revient demain…

Lisele, princesse d’Alsace à la mèche fantasmée

C’est venu d’une mèche de cheveux surprise à la dérobée dans un restaurant. Une mèche rebelle qu’une jeune femme délicieuse passait son temps à replacer dans un geste à la lenteur caressante et  détachée, marque authentique de l’élégance  naturelle absolue dans un lieu aussi décalé. Pour moi, dont la situation dans l’échelle de l’élégance doit se situer entre la botte de radis du rayon fruits et légumes  de l’épicerie du coin et la paire de chaussettes forcément dépareillée, ce type d’expérience émotionnelle est une bénédiction. Il vient me rappeler sans fioritures que, même dans le quotidien de nos petites vies et sa foultitude de gestuelles et autres poses insignifiantes, nous sommes loin, très  loin d’être égaux, en goût, en élégance et en séduction.

Du jour où j’ai su que toute chevelure au sein d’un lieu de culte devait être couverte afin de ne pas provoquer l’envie des anges, mon enfance idéale de catholique romain a basculé vers un chaos organisé autour de la beauté. Je suis sorti de la forme d’endormissement béat dans lequel le bercement des hosannah me plongeait mollement pour m’intéresser d’un peu plus près à ce ravissement esthétique mystérieux d’autant plus redoutable qu’il devait être caché sous le foulard des paroissiennes. C’est à cette occasion et du choc émotionnel qui s’en suivit qu’il m’a fallut affronter une cruelle déception : je ne serais jamais un ange. Aujourd’hui, il n’y a plus guère que les bancs des fidèles de Saint-Nicolas- du-Chardonnet pour accueilir un taux de concentration de carrés Hermés propre à ridiculiser n’importe quel centre commercial des Emirats Arabes Unis. Où est passée l’élégance  mystérieuse de mon enfance? Où sont passées les paroissiennes ? Heureusement il y a cette mèche salutaire installée à quelques encablures de chaise de ma table pour provoquer un émoi bénéfique sur mon âme de dessinateur vieillissant sans pour autant verser dans une tricophilie affligeante.

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J’étais là, confortablement installé en compagnie d’un groupe d’amis, sincères pour les uns, récents pour les autres, quand l’élégance de cette mèche rebelle a retenu mon attention. J’en tairai la coloration capillaire, tant par correction que par soucis de discrétion. Je connais le lecteur et les effets pervers que peut avoir une narration trop riche de détails dont les moindres sont d’enflammer son imagination dans des proportions redoutables. Un mot agréable, pourtant de politesse retenue tout empreint, mène rapidement à un adjectif flatteur. Un compliment en appelle un autre puis c’est l’escalade. D’une banale conversation autour des similtudes toublantes entre la peau diaphane d’une jeune femme  au sourire devastateur et la chair pulpeuse de la prunus persica, le discours s’emballe, le vernis culturel craquelle, le décor soudainement bascule.

Ce doit être les fragrances mélées du muguet fraichement cueilli et du rosé pétillant. On se retrouve en plein scénario digne de la maison des Atrides avec un Menelas de winstub battant le rappel de mille navires pour laver sa susceptibilité maladroitement chatouillée. Un ange passe, puis un deuxième et c’est bientôt toute la hiérarchie qui va défiler… Mais un souffle de soulagement s’installe, l’envie est repartie. Reste les hommes. Reste l’Alsace. Oui car derrière cette digression, c’est l’Alsace que je vois,  mais une Alsace à la mèche fantasmée, car en embuscade l’Alsace. Si soucieuse de ne pas provoquer. Lisele, la chevelure bien cachée sous la coiffe. Les nattes bien tressées Lisele, bien discrètes. Surtout ne pas créer le moindre  désordre qui pourrait génerer l’envie.
Si on parlait d’envie Lisele ?… Bientôt les courtisans vont se faire pressants. L’année prochaine c’est les noces. Les régionales . A qui vas-tu  donner ta préférence, Lisele ? Aux mêmes gros lamentables débordants d’incompétence qui depuis des décades te serinent les sempiternelles lourdeurs graveleuses sur tes charmes en louchant dans ton décoletté pourtant discret.
L’année prochaine, Lisele, il te faudra choisir parmi la foule des prétendants. Ces représentants de commerce pour l’industrie du poisson, ces Ulysses de pacotille qui, chaque veille d’élection depuis cinquante ans, te promettent la même lune qu’ils s’empressent, une fois l’écharpe tricolore conquise, d’aller admirer avec la première pétasse à bonnet phrygien venue, pour peu qu’elle ondule lascivement de l’arrière et de l’avent. Combien de temps vas-tu laisser l’acheen jacobin à la langue mensongère usurper ta couche Lisele, alors que tu es de la race des princesses troyennes? Vas-tu le laisser brûler tes murs et éteindre ta lignée sous pretexte que, de tes cendres  dispersées,  une hypothétique Rome pourrait renaître ? Ou vas-tu réecrire l’histoire et choisir le champion qui te rendra ta fierté mise à mal ? Ton fils de Priam reincarné, ton nouvel Hector, ton “gardien du bonheur périssable…”. Si tu l’appelles Lisele, il viendra. Il se cachera discrètement  parmi la foule des vieux paons cacochymes et des jeunes libidineux qui bientôt paraderont sur ton passage. Tu le reconnaitras. C’est le seul qui n’aura d’yeux que pour l’élégance bouleversante de ta mèche égarée.