Pauvre Bruno, pauvre Gabriel et pauvre Emmanuel. Il y a un truc que les premiers de classe et leurs têtes bien pleines ont en horreur, en abomination suprême, c’est la perspective de passer du statut de fayot assis au premier rang à celui de cancre avachi près du radiateur, au fond de la salle de classe. La faute à qui? Des résultats en dessous de l’attente, des objectifs fixés loin d’être atteints et leur corollaire; la mauvaise note. Et là, ça vient de tomber. Le déficit de la cinquième puissance mondiale est très au-dessus de ce qui était attendu.Il va atteindre les 5,5% comme quoi il n’y a pas qu’en prévisions météorologiques que pèsent sur ce pays des soupçons légers d’incompétence, en politique économique aussi. La dette publique c’est le contraire du bulletin scolaire, il faut être en dessous de la moyenne, pas au dessus! La France est à 22 points au-dessus de celle de la zone euro qui est de 89,9%. C’est peu dire qu’on a passé le plafond, on l’a crevé, le grenier et la toiture avec. “Sky is the limit “comme on dit chez les aviateurs.En pleine période du baccalauréat, juste après les élections européennes la Commission, avec un grand C, publiera ses recommandations budgétaires pour 2025 pays par pays, et là, les mauvais élèves français vont se faire tirer les oreilles car ils vont se prendre en pleine tronche la fameuse procédure très désagréable dite de “déficit excessif”. A Bercy on préfère qualifier ça de “dérapage très très rare…” Pour ceux d’entre vous qui sont nés bien avant l’euro et qui auraient besoin d’une image je leur évoquerai ce bon temps scolaire où en conseil de fin d’année on venait vous annoncer que faute d’efforts suffisants il allait falloir envisager un cruel redoublement bien pourrisseur de vacances d’été et prometteur de dérapage paternel redouté.22 points au-dessus de la moyenne, c’est le troisième ratio le plus élevé de l’Europe après la Grèce et l’Italie. De quoi figurer sur le podium des plus mauvais élèves. Juste avant la guignolerie olympique. Jolie médaille pour un dérapage!Sans compter la suprême pétoche du coup de grâce à redouter de ces saletés d’institutions que sont les agences de notation, ces genres de parcours sup pas cool pour les mauvais élèves européens, en plus vicieux bien sûr. Un peu comme le guide Michelin et ses étoiles sauf que là il s’agit de la première lettre de l’alphabet.Pauvre patron de Bercy et son armada d’inspecteurs des finances désoeuvrés, pauvre Premier Ministre qui risque sérieusement de dormir moins que ses quatre heures quotidiennes. Pauvre Monarque un peu à la dérive. Il n’a plus de templiers à liquider comme Philippe le Bel en s’emparant de leur trésor. Il n’a pas un Sully qui envoie péter tout ce qui est soupçonné d’un parfum illégitime au pays du labourage et du pâturage du bon Henri. Il n’a pas un Colbert pour faire le procès des Arnault, Pinault et autres Bolloré de l’époque. Pas plus qu’il n’a un directoire pour faire main basse sur tous les biens de l’Eglise et encore moins un Poincaré qui ose ratiboiser de 80% la fortune des rentiers.Il lui resterait bien l’option d’une bonne guerre mais il n’est pas Napoléon troisième du nom et surtout il semblerait qu’on a un peu trop vite bazardé nos munitions et notre artillerie de pointe pour soutenir l’ Ukrainien…Sans compter un récent rapport sur le problème de l’obésité qui gagnerait nos vaillants militaires.D’autant plus qu’il nous a déjà dit qu’il fallait nous serrer la ceinture. Vite des bretelles ou on va finir en slip!Dans les années trente en Allemagne les historiens révèlent qu’une lecture rapide de la presse et une oreille attentive à l’écoute des ondes suffisaient pour s’étonner de la fréquence à laquelle revenaient quotidiennement les mots de race et de sang augurant rien de bien encourageant. Ce matin, cinq minutes dans la file d’attente au bar tabac presse du village à subir l’écran de télévision allumé et le survol des unes des différents quotidiens de la presse nationale et régionale m’ont suffit pour saisir l’ambiance de l’élément de langage dominant du jour et des jours à venir . La dette, la dette , la dette…On se trompe de mot.(à suivre )