Un nouvel acronyme vient de faire une apparition discrète sur le marché si riche de la sémantique du travail.
Le CHO pour Chief Happiness Officer. Nul besoin d’avoir fréquenté une université prestigieuse outre-manche pour comprendre ces trois mots et imaginer le succès qui leur est promis. Les larbins des médias officiels qui n’ont rien de mieux à faire pour justifier leurs salaires honteux que donner du crédit aux initiatives les plus débiles ne vont pas tarder à s’emparer du concept. Trois mots en langue étrangère pour requalifier l’organisation de l’activité de ce qui fait la composante principale d’une entreprise, c’est-à-dire les hommes et les femmes qui y travaillent. Trois mots en anglais pour ringardiser définitivement l’ancien acronyme, en français, qui désignait la gestion des ressources humaines au sein des entreprises. Adieu le DRH, qui avait déjà jetté le chef du personnel aux oubliettes, bonjour le CHO.
L’officier en chef du bonheur. En français.
Ceci n’est pas une blague ou une élucubration. Il y a actuellement des gens qui ont réussi à faire gober à des actionnaires et à des conseils d’administration une telle énormité. Redéfinir une fonction avec une appellation crétine en arborant un de ces petits badges ronds ridicules siglé d’un sourire niais sur fond jaune et faire qu’un travail de con pour un salaire de misère devienne une nouvelle constante variable du bonheur. Le bonheur en question n’a qu’à bien se tenir. Le voilà entouré par un chef et un officier. Le bonheur trouverait son essence dans la guerre puisque d’essence lexicale guerrière. L’entreprise est bien ce camp militaire retranché où une armée de petits soldats bien disciplinés se tiennent prêts à débouler sur le champ de bataille des parts de marché à conquérir.
Les manuel d’instruction militaire, qui si l’on en croit les joyeux drilles du Medef et Monsieur Macron, devraient rapidement remplacer un code du travail vraiment obsolète, sont en cours d’impression. C’est une question de semaines. Un amendement de dernière minute suscite un désaccord. Nul ne sait encore si la corde pour se pendre et le tabouret fournis dans le paquetage à l’incorporation en entreprise sont à rendre, après utilisation, aux familles ou si ils restent propriété du gouvernement. il y a là motif à débattre au sein des deux assemblées.
J’ai adressé une prière à Sainte Rita patronne des causes perdues. Elle m’a poliment répondu d’aller brûler un cierge à Saint Charlie, dont l’aura va grandissant dans les hautes sphères. Ou de changer de métier.
Certes, ce serait vraiment injuste et déplacé de prétendre , au regard de son immense talent, que le grand Orwell n’avait rien vu. Il y a juste que je me demande bien si le pire n’est pas à venir.