Soudain, là, Prévert est arrivé. Celui de l’ “araignée quel drôle de nom pour un pape ” celui aussi qui se moque des vers du plus grand poète national, ceux de “demain sur nos tombeaux les blés seront plus beaux “, en pointant l’ironie sordide qu’il y a dans cette image car le blé ne pousse pas précisément sur les tombes de ceux qui sont morts pour que monte ou descende le cours du blé… Celui avec sa bonne tête à casquette et sa clope sur fond rouge en couverture de son incontournable best seller des cours de collège; Paroles. Oui , celui-là. On va vers la fin des années trente, c’est l’hiver, dans quelques mois Daladier va revenir de Munich et dira son fameux “les cons si ils savaient” aux naïfs qui l’accueillent à la descente d’avion pensant avoir la paix pour trente ans…C’est janvier et le grand Marcel Carné débute le tournage d’un film adapté d’un magnifique petit roman de Pierre Mac Orlan publié une dizaine d’années plus tôt sur les difficultés de l’époque. Les allemands de l’UFA n’étaient pas chauds pour la production qui devait se tourner à Hambourg, le Joseph d’Adolf qui régnait en maître absolu sur le cinéma d’outre rhin ne voulait pas d’une histoire de déserteur, préférant le cinéma de Leni Riefenstahl. On le comprend. Frank Capra qui n’est tout de même pas le premier blaireau venu dans le métier, raconte dans ses mémoires sa convocation à la maison blanche où une copie de “Triumph des Willens ” était projetée afin de lui demander s’ il pouvait faire la même chose tellement ça leur foutait les chocottes… Carné tournera le film au Havre…Et c’est là que Prévert arrive, remaniant le scénario et surtout en créant des dialogues si beaux que l’un d’entre eux va devenir culte. Soudain Prévert est arrivé, même Mac Orlan lui dira sa gratitude, alors qu’il a caviardé son roman original, d’avoir tellement inondé son fameux fantastique social avec tant de poésie.Soudain Prévert a débarqué sur les écrans de cinémas d’une France qui court tout droit vers un drame coloré en rouge noir et blanc et tous les coqs de villages et des quartiers vont se prendre pour Gabin et son assurance fragile parceque toutes les poulettes tout à coup auront le si beau regard de Morgan et qu’il suffira de le leur dire pour qu’elles ne demandent qu’à être embrassées…- T’as de beaux yeux tu sais …- Embrassez moi …et ce qu’on oublie c’est qu’après le premier baiser elle ajoute:- Embrasse moi encore !…