Je suis allé chez le médecin. Maintenant que je suis enfin titulaire d’une carte vitale, autant en profiter car mon bilan de fréquentation médicale est aussi maigre qu’un vegan en vacances en Argentine où le culte du bœuf à toutes les sauces est roi. Une fois les politesses d’usage sur la nature du bon vent qui m’amenait en son cabinet, il me fallut lui en expliquer la raison. Elle tenait en un seul mot, la langue. Non pas le muscle qui me sert à parler expliquais-je au brave homme alors qu’il me demandait de la tirer en ouvrant bien grande la bouche mais celle qui me sert d’expression, le reflet de mon âme, celle dont la réputation est la meilleure et la pire des choses; la langue française. Et d’expliquer à l’homme de l’art qu’à force de jouer avec les mots ils se sont mis à me jouer des tours et c’est un tel désordre dans ma pauvre tête que j’aurais bien besoin d’une ordonnance dont le principe comme son nom l’indique est bien de remettre de l’ordre dans les choses y compris celles du vocabulaire et de la syntaxe. Force est d’admettre que le brave homme m’opposa une moue fort dubitative car ainsi qu’il le reconnut bien volontiers mon problème dépassait de loin le champ de son expertise qui pourtant était vaste. A son avis cela relevait plutôt d’une autre académie que celle de médecine, plutôt la justement nommée académie française où bon nombre de docteurs siégeaient quoique atteints pour bon nombre d’entre eux de pathologies peu recommandables.Mon cas semblait bien mal engagé quand le brave homme eut un éclair de génie.il me fit une ordonnance au contenu d’une banalité quelconque à l’intention de la pharmacienne de notre village, celle dont le pull moulant, sous l’étoffe d’une blouse fort seyante au demeurant laisse deviner deux galbes rubensiens à la rotondité parfaite et qui, incroyable coïncidence, porte au neuvième art un intérêt des plus vifs. Il me conseilla de trouver les mots justes pour l’inviter au festival de bande dessinée qui se tiendra cette fin de semaine place Kléber dans les salons de l’Aubette. “vous y parlerez dessins” me dit-il “vous lui montrerez les vôtres mais je doute fort qu’elle se laisse aller à vous montrer les siens”…Ah, le bon, l’excellent homme, vraiment …