Un mien correspondant, dont le zèle n’a d’égal que le mauvais esprit, m’apprend à l’instant le tout dernier titre dont peut dès à présent s’enorgueillir le déjà multi-mandaté député de la sixième circonscription du Bas-Rhin; rien moins que Président de la commission arctique de l’Assemblée Nationale.
C’est médiatiquement anorexique, intellectuellement douteux et politiquement navrant. Gageons que le nouvel élu saura, avec l’efficacité qui lui est coutumière, utiliser au mieux ce mandat qui s’ajoute à une liste déjà bien pléthorique sur une carte de visite qui nécessitera bientôt un format raisin.
Les électeurs locaux se réjouissent déjà de voir la lanterne de leur intelligence éclairée, avec brio certes, sur les enjeux polaires mais surtout sur les moeurs et les pratiques sexuelles des phoques à un moment où le débat sur le mariage pour tous et ses multiples corolaires crispe quelque peu les rapports entre individus, tant dans l’hémicycle que dans la rue où se trouvent, on le sait depuis que Nietzsche nous l’a appris, “les vrais problèmes”.
C’est cette période de crispation certaine qu’ont choisi les responsables de la revue culturelle alsacienne de référence, qui vivent dans la même région que vous et moi mais assurément pas sur la même planète, pour consacrer leur livraison trimestrielle à Napoléon qui, chacun le sait, est un sujet éditorial hautement plus représentatif de la culture ou des enjeux en Alsace que par exemple un vague projet de référendum sur le futur projet de conseil unique.
Oui l’Empereur, pas celui de la banquise, celui des français. Avouez que la transition était toute indiquée. Napoléon en Alsace? Sans doute une faveur en retour d’ascenseur éditorial à leurs homologues corses qui viennent de publier un numéro spécial choucroute…
Cela me fait penser avec respect et émotion à la grand-mère d’Alexandre Vialatte, auteur français du siècle passé dont je ne saurais trop recommander avec autorité la lecture des chroniques, dont l’intégrale vient enfin de paraître dans la collection Bouquins des éditions Laffont, histoire de se rendre compte avec honte de ce que pouvait être la qualité d’écriture et l’exigence rédactionnelle d’un quotidien régional à cette époque pas si lointaine où les journalistes savaient écrire.
Cher Alexandre, toi qui utilisais de manière toujours inattendue et dans un parfait effet comique récurent les propos désabusés de ta grand-mère, comme pour cristalliser son incompréhension de ce siècle tourmenté que fut le précédent, sous la forme d’un “où va-t-on?” répété plusieurs fois par jour, j’ai pour toi d’excellentes nouvelles. Tu nous manques cruellement mais, si tu étais là, un peu que le coeur m’en fendrait de te dire que j’ai la réponse à la question usée jusqu’à la corde de ton aïeule. On n’y va plus; on y est. En plein dedans. Ca sent pas bon et on en a jusqu’au cou.