La grosses biotifoule expo

C’est à Colmar, à partir de demain, la foire éco-bio de tout ce qui est beau, bon, bien et alternatif.

Alternatif, c’est l’adjectif que les gentils organisateurs ont choisi pour qualifier l’endroit où ils ont concentré la bande d’agités à laquelle j’ai l’honneur d’appartenir.

C’est pas vraiment “un trou de verdure où chante une rivière accrochant follement aux herbes des haillons d’argent”, mais c’est le lieu idéal pour présenter et dédicacer ma petite littérature.

C’est dans le hall Air, allée peuplier, stand 60. Pour pas que vous vous perdiez, je vous joins une photo.

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Ceux qui viendront auront le droit de regarder le foot sans être critiqué.

Gattaz fils de son père

Tu seras patron mon fils. Dès ton plus jeune âge, l’argent sera ta religion, ton Eglise, avec ses sanctuaires, son décorum et ses saints. Ses évangelistes du marché qui distribuent sa bonne parole comme autant d’images pieuses aux petits garçons bien élevés. Tu seras patron mon fils. Pas un de ces petits entrepreneurs que l’on berne en les nommant première entreprise de France et dont tu prononceras le nom d’artisan avec ce dédain tout de gène empreint que l’on se doit d’afficher quand  on laisse échapper un gros mot. Non, toi tu seras patron. Pas un de ces types avec un salaire à trouver tous les mois pour chacun des trois gars avec lesquels il trime toute la semaine sans compter la femme qui assure le secretariat et la compta en plus de tout le reste. Non, tu seras patron, un vrai. A quoi bon diriger une entreprise dans ce pays si c’est pour ne pas figurer au moins dans les trois cent premières fortunes, franchement ? Non, tu seras patron, comme ton père l’était avant toi, et à tant faire, tu feras mieux que tout ça, tu seras également patron des patrons.  Tout comme ton père, également, l’était avant toi. Tu remettras de l’ordre dans la corporation, parce que une femme aux commandes, entre vous deux, tout le monde sait que ça a fait désordre. Tu seras patron des patrons, tu passeras à la télévision avec une régularité médiatique déconcertante. Tu auras même une télé à toi au sein de ta corporation, sur l’écran de laquelle on peut te voir te marrer en t’excusant mollement d’arriver en retard pour venir commenter le pacte de responsabilité que ton nouveau copain elyséen a taillé sur mesure pour se faire aimer de tous tes copains. Tu seras tellement sûr de ta supériorité que tu réciteras par coeur le discours nauséeux et de niaiserie débordante que tes communicants à cinq smics minimum t’auront pondu, en collaboration étroite avec leurs clones planqués au sein des ministères.  Soit un condensé de lapalissades économiques et de jérémiades corporatistes comme constitution essentielle de ta pensée. Tous les larbins  prépubères qui t’entourent font tellement dans leur couche-culottes à la seule idée de te déplaire qu’aucun d’entre eux n’ose te dire que tu devrais prendre quelques cours de diction, parce que émailler à ce point un discours de la même onomatopée interjective, redoublée, quintuplée, décuplée. Euh, vois tu, euh, à partir, euh, de vingt euh, j’ai arrété de compter, euh…

Compter, ça tu sais. Je passe au présent de l’indicatif pour créer une rupture temporelle propre à nous ancrer plus nettement dans la réalité de mon récit.  Dans ta famille, tout le monde sait compter. Tout le monde a toujours su. L’arithmétique patronale, c’est dans les gènes. Aussi attention à qui aurait l’outrecuidance de t’en remontrer en pointant la légère contradiction entre un smic que tu souhaiterais à huit cent euros et les presque trente pour cent d’augmentation de salaire que tu te balances. Il faut reconnaitre que tu es un rien brillant quand tu oses expliquer aux larbins qui pissent leur copie dans les médias de tes copains patrons qu’il faut bien que ceux qui en ont peu en aient encore moins afin que des mecs comme toi qui en ont beaucoup puissent en avoir encore plus. C’est tellement subtil que ça en est vertigineux. Enterré le père Mauss et sa théorie du don. T’es le nouveau Franklin Delano des banlieues ; ta devise c’est : ne rien donner, tout recevoir et ne rien rendre.

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Tu seras venu à Mutzig . On ne t’auras pas vu, forcément on n’aura pas été invité. (Pour ceux qui ont du mal à suivre, on vient de paser au futur antérieur pour une nouvelle rupture, plus à même de nous ancrer dans un registre narratif plus proche de la fiction.)
Quelques camarades intermittents du spectacle t’auront remis une lettre dans laquelle ils s’imaginent pouvoir interdire à un mec de ta stature, avec les réseaux qu’il a à sa botte, de ne pas manipuler le peuple. Comme si un type comme toi, à l’autorité toute de certitudes inébranlables consacrée et paré dans la dignité incontestable de la mise en scène de son existence idéale, pouvait y comprendre quelque chose aux artistes. A l’intermittence, au spectacle scénique, à la création vivante. Au quotidien de tous les types qui, dans ce pays, galèrent pour offrir aux enfants, mais aussi aux plus grands, autre chose que les merdes anglo saxonnes formatées que tes copains américains deversent sur les écrans de ce pays et qu’ils vont encore plus déverser lorsque François Responsabilité leur aura fillé les clefs du bouclard en ratifiant leur traité scélérat. Tu auras visité une pépinière d’entreprises que des élus locaux éblouis par ton aura t’auront présentée tels des enfants ramenant un bulletin prometteur en espérant recueillir un bon point. Puis tu seras reparti presque soulagé, parce que l’Alsace, dans ta culture et ton imaginaire réduits à une peau de chagrin, c’est comme la photo d’une ex qui ressurgit d’un tiroir lors d’un rangement : on n’arrive pas à la jetter mais on préfère ne pas l’avoir sous les yeux trop souvent, ça éveille des souvenirs pas trop agréables.
Au fond, je te trouve plutôt à plaindre quand j’y réfléchis bien. Tu n’auras pas eu d’enfance. Tu seras né patron donc tu seras né vieux et, à l’âge où d’autres deviennent adultes, tu seras déjà sénile.
Patron des patrons, en dehors d’être un titre, je me suis posé la question de la figure de style que cela pouvait être. Ce n’est pas vraiment une redondance, pas plus un pléonasme qu’un oxymore. Finalement j’ai trouvé . C’est un bégaiement.
Euh.

Qu’elle était morte ma vallée

L’homme de la vallée du sud de l’Alsace qui borde la frontière de la confédération helvétique est chanceux. Une fois passé le traditionnel couplet du huitième jour du mois de mai sur le sang impur abreuvant nos sillons, il a pu pendant trois jours d’affilée se cultiver. Pour cela il lui suffisait de se rendre au salon du livre que les gens bien intentionnés présidant aux destinées de la bonne ville de Saint-Louis s’entêtent à organiser depuis plus de trente ans. On ne va pas s’étaler là dessus pendant des pages. On y était. C’était comme d’habitude :  très bien !

On y a vu un ancien prélat de l’église catholique romaine, la mine toute de surprise feinte, se faire récompenser pour un ouvrage en forme de déclaration d’amour à une région qu’il a depuis quittée. On y a croisé un ancien directeur de magazine national venu se qualifier pour les olympiades des cracheurs de soupe dans la catégorie reine qui l’ a nourri pendant trente ans. On y a subi la foule des curieux venus s’abimer dans le spectacle navrant du chien d’une gloire du petit écran venu dédicacer son dernier os. On y a cherché le président du conseil régional. On ne l’a point vu. Il devait être occupé à voir son équipe de foot subventionnée trainer quatre vingt dix minutes d’errance dans un stade de la Meinau aux trois quarts vide. A moins qu’il n’ait eu piscine ou une excursion programmée en Lorraine.

Mais surtout, on a pu constater que lorsque la volonté politique de rassembler plus de deux cents auteurs , illustrateurs et acteurs de la chaine du livre était réelle, il se trouvait toujours plus de vingt mille personnes pour venir confirmer que la culture a sa place dans les vallées. Toutes les vallées ? Malheureusement non. Autre vallée, autre moeurs. A en croire le site internet de la troisième communauté de communes du Bas-Rhin se déroulait au même moment l’un des temps forts de l’année auquel nous avons échappé. Je ne mentionnerai pas le nom de la manifestation par respect pour la langue française. La communication étant comme de bien entendu en anglais.

Pour faire court, même payé une fortune, pour rien au monde je ne me mélerais à une foule venue admirer un défilé de mécaniques allemandes. Trop de mauvais souvenirs. Saisissez-vous l’allusion ou dois-je  devenir très lourd ?

Je ne conteste à personne le droit d’organiser un moment festif autour d’une passion commune pour de la carosserie. Il ne manquerait plus que ça ! Par contre, non seulement c’est mon droit de trouver cela infantile et pour tout dire completement con, mais surtout j’ai le devoir de m’interroger quant à la légitimité de faire passer un tel rassemblement pour un moment important dans la vie de la communauté à laquelle j’appartiens. Cela d’autant plus qu’à quelques lieues de là, plus haut dans la vallée, des artistes se sont rassemblés pour offrir autre chose en partage qu’un non-sens écologique plein de bruit et de fureur polluante.

Pour finir sur une note optimiste, le cinéma Rohan propose huit films d’ Ingmar Bergmann. Comment peut-on hésiter une seconde entre le beau visage de Liv Ullmann et le spectacle navrant d’une bagnole carossée comme un insecte ou celui encore plus affligeant, pour coller à l’actualité cinématographique, d’un lézard de cinquante mètres  de haut et de ses aventures révisionnistes ?

Poser la question est déjà une insulte à l’intelligence. Essayer d’argumenter serait le meilleur moyen de s’exposer à la lumière cruelle d’un diagnostique impitoyable : non seulement on serait infantile et con, mais en plus on serait mort.

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Livres et égos

Tout ce qui se passe en Alsace et qui ne se passe pas à Saint-Louis (Haut-Rhin ) n’a aucun intérêt. Vous n’avez pas le choix : soit vous êtes des nôtres ce vendredi, ce samedi et ce dimanche ; soit vous progressez lentement vers le statut d’ennemi de la race humaine. Ceux qui viendront seront dispensés de parloir au cas où je serais arrété pour trouble à l’ordre public. C’est pas parce qu’on est des drôles qu’on est des rigolos….

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C’est fou comme le temps débarrasse

Rude semaine pour les commémorations !

Entre le soixantième anniversaire, aujourd’hui, de la défaite qui allait mener à la fin de notre empire colonial et la victoire, jeudi, qui allait nous mener à ce qu’on est pas sûr de quoi que ce soit si on réfléchit bien… La mémoire va sacrément travailler. Bon mon papa y était  et je suis content qu’il en soit revenu. Gracias a la vida (c’est pas du vietnamien, mais je me comprends).

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Pour le reste, vous pouvez vous préparer à venir fêter la victoire des forces vives de la chaine du livre sur la désertification culturelle qui vient. C’est à Saint-Louis , Haut Rhin ce vendredi, samedi et dimanche. Il y aura plein de petits dessins et de longs discours. Par pitié ne me dites pas que vous avez piscine !
Promis on y revient demain…

Lisele, princesse d’Alsace à la mèche fantasmée

C’est venu d’une mèche de cheveux surprise à la dérobée dans un restaurant. Une mèche rebelle qu’une jeune femme délicieuse passait son temps à replacer dans un geste à la lenteur caressante et  détachée, marque authentique de l’élégance  naturelle absolue dans un lieu aussi décalé. Pour moi, dont la situation dans l’échelle de l’élégance doit se situer entre la botte de radis du rayon fruits et légumes  de l’épicerie du coin et la paire de chaussettes forcément dépareillée, ce type d’expérience émotionnelle est une bénédiction. Il vient me rappeler sans fioritures que, même dans le quotidien de nos petites vies et sa foultitude de gestuelles et autres poses insignifiantes, nous sommes loin, très  loin d’être égaux, en goût, en élégance et en séduction.

Du jour où j’ai su que toute chevelure au sein d’un lieu de culte devait être couverte afin de ne pas provoquer l’envie des anges, mon enfance idéale de catholique romain a basculé vers un chaos organisé autour de la beauté. Je suis sorti de la forme d’endormissement béat dans lequel le bercement des hosannah me plongeait mollement pour m’intéresser d’un peu plus près à ce ravissement esthétique mystérieux d’autant plus redoutable qu’il devait être caché sous le foulard des paroissiennes. C’est à cette occasion et du choc émotionnel qui s’en suivit qu’il m’a fallut affronter une cruelle déception : je ne serais jamais un ange. Aujourd’hui, il n’y a plus guère que les bancs des fidèles de Saint-Nicolas- du-Chardonnet pour accueilir un taux de concentration de carrés Hermés propre à ridiculiser n’importe quel centre commercial des Emirats Arabes Unis. Où est passée l’élégance  mystérieuse de mon enfance? Où sont passées les paroissiennes ? Heureusement il y a cette mèche salutaire installée à quelques encablures de chaise de ma table pour provoquer un émoi bénéfique sur mon âme de dessinateur vieillissant sans pour autant verser dans une tricophilie affligeante.

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J’étais là, confortablement installé en compagnie d’un groupe d’amis, sincères pour les uns, récents pour les autres, quand l’élégance de cette mèche rebelle a retenu mon attention. J’en tairai la coloration capillaire, tant par correction que par soucis de discrétion. Je connais le lecteur et les effets pervers que peut avoir une narration trop riche de détails dont les moindres sont d’enflammer son imagination dans des proportions redoutables. Un mot agréable, pourtant de politesse retenue tout empreint, mène rapidement à un adjectif flatteur. Un compliment en appelle un autre puis c’est l’escalade. D’une banale conversation autour des similtudes toublantes entre la peau diaphane d’une jeune femme  au sourire devastateur et la chair pulpeuse de la prunus persica, le discours s’emballe, le vernis culturel craquelle, le décor soudainement bascule.

Ce doit être les fragrances mélées du muguet fraichement cueilli et du rosé pétillant. On se retrouve en plein scénario digne de la maison des Atrides avec un Menelas de winstub battant le rappel de mille navires pour laver sa susceptibilité maladroitement chatouillée. Un ange passe, puis un deuxième et c’est bientôt toute la hiérarchie qui va défiler… Mais un souffle de soulagement s’installe, l’envie est repartie. Reste les hommes. Reste l’Alsace. Oui car derrière cette digression, c’est l’Alsace que je vois,  mais une Alsace à la mèche fantasmée, car en embuscade l’Alsace. Si soucieuse de ne pas provoquer. Lisele, la chevelure bien cachée sous la coiffe. Les nattes bien tressées Lisele, bien discrètes. Surtout ne pas créer le moindre  désordre qui pourrait génerer l’envie.
Si on parlait d’envie Lisele ?… Bientôt les courtisans vont se faire pressants. L’année prochaine c’est les noces. Les régionales . A qui vas-tu  donner ta préférence, Lisele ? Aux mêmes gros lamentables débordants d’incompétence qui depuis des décades te serinent les sempiternelles lourdeurs graveleuses sur tes charmes en louchant dans ton décoletté pourtant discret.
L’année prochaine, Lisele, il te faudra choisir parmi la foule des prétendants. Ces représentants de commerce pour l’industrie du poisson, ces Ulysses de pacotille qui, chaque veille d’élection depuis cinquante ans, te promettent la même lune qu’ils s’empressent, une fois l’écharpe tricolore conquise, d’aller admirer avec la première pétasse à bonnet phrygien venue, pour peu qu’elle ondule lascivement de l’arrière et de l’avent. Combien de temps vas-tu laisser l’acheen jacobin à la langue mensongère usurper ta couche Lisele, alors que tu es de la race des princesses troyennes? Vas-tu le laisser brûler tes murs et éteindre ta lignée sous pretexte que, de tes cendres  dispersées,  une hypothétique Rome pourrait renaître ? Ou vas-tu réecrire l’histoire et choisir le champion qui te rendra ta fierté mise à mal ? Ton fils de Priam reincarné, ton nouvel Hector, ton “gardien du bonheur périssable…”. Si tu l’appelles Lisele, il viendra. Il se cachera discrètement  parmi la foule des vieux paons cacochymes et des jeunes libidineux qui bientôt paraderont sur ton passage. Tu le reconnaitras. C’est le seul qui n’aura d’yeux que pour l’élégance bouleversante de ta mèche égarée.

Thanksgiving à la Stub

Ah, pensez-vous à la lecture du titre, soit il s’est fâcheusement trompé dans son calendrier car nous ne sommes pas en novembre, soit il en a encore après nos pauvres amis américains.

Pas du tout.

Mais d’abord, encore un petit dessin décalé à propos de la dernière d’un Président du Conseil Régional qui, dans le tract néo libéral de dimanche, nous prouve qu’il n’a toujours rien compris au film de sa débandade annoncée. Son copain Hirn du-dit canard lui a pourtant encarté une superbe brochure publicitaire vantant les charmes de la Lorraine pas plus tard que la semaine passée. Rien n’y fait. Le duc d’Alsace reste confiant. S’il vous plait, quelqu’un pourrait-il dire à Richert qu’il atterrisse et arrête les dégats avant que cela ne devienne pathétique. La messe est dite. Comment le premier élu de la région peut-il un seul instant croire que deux millions trois cent cinquante-six mille lorrains vont installer la capitale de la future fusion des deux régions à `Strasbourg ? Une ville qui n’a même pas une équipe de foot digne de ce nom ? Est-il à ce point seul ?

Les cent mille habitants du territoire de Belfort n’y changeront rien. Le million et quelques de la Moselle et son droit local particulier à sauvegarder par contre…

Mais pour ça il faudrait déjà que quelqu’un lui explique où se situe la Moselle…

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Or donc, je cherchais un titre accrocheur pour plusieurs raisons dont la première est de remercier tous les visiteurs, lecteurs, commentateurs et autres fidèles de ce blog. Les autres je les ai oubliées (les raisons, pas les fidèles).

Et puis vous savez bien que depuis le onze septembre d’une certaine année , ainsi que nous l’ont bassiné les comiques de la presse nationale “Nous sommes tous des américains”… Alors pourquoi ne pas vous racoller avec une americonnerie?

Cet exercice bien plaisant et enrichissant sur les plans de la création personnelle et de la rencontre sociale que je mène depuis quelque temps déjà  sur ce blog m’ammène à un carrefour où il va m’être nécessaire de prendre des décisions. Par choix autant que par conviction, je suis pour ce qui concerne ma logistique privée essentiellement dépendant de mon vélo. Mais aussi de mes pieds lorsque mon vélo est crevé. Cela va m’être utile car je vais de ce fait mettre un certain temps à atteindre le fameux carrefour dont je vous entretenais plus haut dans ce texte.

Trois jours . C’est le temps qui va m’être nécessaire. A pied ainsi qu’à vélo, le temps n’a pas la même valeur. Tout le monde sait ça surtout un type comme Fernand Braudel qui n’est pas le premier dilettante venu- je le mets au présent car les mecs intelligents ont ceci de particulier que leur pensée nous accompagne au jour le jour alors que les reflexions des cons se perdent dans les méandres du passé ou les couloirs de certains palais de la république.

Grâce à Braudel on a pu prendre conscience de la multiplicité et de la diversité des temps courts qui organisent un temps long. C’est surtout vrai à vélo où chaque repère est un élément qui nous rend l’ensemble plus accessible. Trois jours avec l’aide de Braudel à vélo. Trois jours c’est le temps qui nous sépare de l’expo du premier mai à la Stub des deux étangs d’Heiligenberg. Ce sera l’ouverture de la saison 2. La première a été très satisfaisante puisqu’elle s’est soldée par un livre pratiquement épuisé. La deuxième va forcément faire naître plus d’exigeance,  créer plus d’espoirs, génerer plus d’attente… ( Les lecteurs familiers de la rhétorique gaullienne auront remarqué   au passage la maîtrise du rythme ternaire, j’invite les autres à se documenter )

On sait qui parmi les exposants viendra mais plusieurs invitations ont été lancées chez des collègues qui n’ont pas encore répondu.

L’élément fédérateur de cette journée est le magazine satirique HEB’DI. Son équipe au grand complet de la conception à la fabrication en passant par la commercialisation.J’ y tiens une chronique mensuelle que l’on ne m’a jamais censurée.  C’est important à savoir et faire savoir. Elle est le premier relais matériel de l’exercice un peu désordonné mais néanmoins assez régulier auquel je m’adonne ici.

Le second est la publication d’ouvrages . Dans trois jours je présenterai mes deux nouveaux bouquins à la Stub des deux étangs . Que ce soit un bide ou un succès sera confirmé par les prochains lieux d’expositions et de dédicaces tout au long de l’été. C’est la promesse qui est importante dans nos metiers . Vous voir venir à notre rencontre ce premier mai malgré la pluie annoncée (bon c’est couvert quand même; on est pas des bleus!) oui, vous voir venir à notre rencontre serait la promesse que à ce cafrrefour je vais prendre la bonne direction.

Demain et après demain on vous présente les bouquins et après les galèjades reprennent.

Wenn ich Kultur (nicht) höre…

Quand j’entend (pas) le mot “culture”…

Avant d’aller plus loin, il me semble judicieux d’apporter queques précisions quant au titre de cette chronique, eu égard à la charge référentielle assez lourde qu’il véhicule. Histoire de rendre à un César bien particulier ce qu’on attribue trop fréquemment à différents  notables, membres de la pire espèce de maniaco dépressifs que le vingtième siècle ait pu compter.
Tout d’abord restituons la phrase dans sa traduction française pour nos amis lecteurs non germanophones.

“Quand j’entends le mot culture, j’arme mon browning”. Et non pas comme il est coutume de le lire “je dégaine mon revolver”. D’abord parce que le browning de ces années-là n’ayant pas de barillet est donc un pistolet, ensuite parce que entsicheren, difficilement traduisible, décrit plutôt le stade supérieur à celui de l’acte de dégainer qui est d’armer ou de libérer la sécurité. L’ultime étant celui d’appuyer sur la détente. (Vous ne croyez tout de même pas que j’allais écrire la gachette, si ?) Ce n’est pas parce qu’on a été déclaré inapte à porter l’uniforme que, comme tout enfant des années cinquante, on en a pas pour autant, malheureusement, une culture guerrière solide.

Passons à la paternité.
Du gros  luftwaffeur Hermann au myope libidineux Heinrich, en passant par Joseph le nabot propagandiste et cela juqu’à leur Adolphe de guide suprême, tous ce sont vu attribuer la paternité de ces quelques mots à la renommée nauséabonde. Il n’en est rien. Il s’agit d’une réplique. Une simple réplique tirée d’une pièce de théâtre écrite par un  obscur auteur nazillard et donnée en représentation pour l’anniversaire de l’accession au pouvoir de Adolphe H, en présence du dédicataire et de toute sa clique de dignitaires dégénérés. Je ne vous donne pas l’année. J’attends de mon lecteur un certain nombre de connaissances basiques qui me le rendent estimable. Le titre de ce spectacle scénique,  qui n’a pas marqué les annales du spectacle vivant, est “Schlageter“. L’auteur en est Hans Johst.

Albert Leo Schlageter était un opposant aux Forces Françaises d’Ocupation en Allemagne dans les années vingt du siècle dernier, qui a accédé au titre de premier martyr du national socialisme après avoir été fusillé pour acte de sabotage. C’est malheureusement le triste privilège d’une nation, quelque soit son drapeau, de réprimer avec violence la résistance d’un peuple qu’elle a soumis par les armes. Je ne tiens pas ces informations d’une caricature d’encyclopédie informatique. Je dois tout cela , entre autres,  à la lecture d’un ouvrage exceptionnel qui est ” La troisième nuit de Walpurgis ” de Karl Krauss. Monsieur Karl était un éditeur pamphlétaire opposant au nazisme dans la Vienne de l’Anschluss qui écrivait et publiait un journal à la périodicité, à la pagination et au format irréguliers. Sa qualité d’écriture et d’engagement représente dans mon panthéon personnel l’archétype inégalable du journaliste hautement respectable. De tels hommes devraient foutre la honte au neuf dixième des plumes de notre pays, tous occupés qu’ils sont à écrire avec leur cul pour aller le poser sur les bancs de n’importe quelle académie pompeuse.

La lecture de Krauss, pour les insidieux microbes gribouilleurs que nous sommes,  représente  ce que je trouve de plus proche de l’expérience de la route de Damas et elle  donne toute son autorité aux propos de Schweitzer qui prétendait que “l’exemple n’est pas le meilleur des éducateurs, il est le seul !”

A ce point, je vous sens mi-énervés mi-reconnaissants de toutes ces précisions qui vont vous permettre de briller en société en ces temps de confusion des genres et des attributions floues. Aussi puis-je comprendre qu’un certain questionnement vous  gagne quant au but de mon propos, après toutes ces circonvolutions.

J’y viens. En fait, j’y suis.

J’assistai, la veille de ce récent week-end pascal à l’installation puis l’élection du président et des vice-présidents de la communauté de communes de Molsheim-Mutzig, troisième intercommunalité du Bas-Rhin par son importance, septième de la région Alsace. Je n’y assistais pas seul. Nous étions quatre citoyens et, au vu de la surprise que cela a créé, cela ne doit pas être si fréquent.

J’y ai vu quelques habitués historiques sûrs d’eux sans aller jusqu’à la suffisance,  quelques nouveaux élus encore timides sans aller jusqu’à la maladresse, quelques héroïnes de la parité à l’élégance discrète sans être ostentatoire. J’y ai assité au numéro sans faute d’un président dont pourtant je redoutai la faconde insupportable et qui s’est avéré plutôt bon orateur, autant que maître de cérémonie habile et agréable dans l’exercice fastidieux d’avoir à faire voter quarante-deux élus à six reprises.

J’y ai entendu ce qui, je pense, doit être le lot commun d’assemblée de ce genre. Les inévitables remerciements sur la confiance accordée. Les voeux sur les moyens de se donner à oeuvrer ensemble, la promesse clamée de ne pas oeuvrer seul. Plus de trois heures de séance pleinière. Quarante-deux élus présents, représentant trente-neuf mille trois cent une personnes, chargés d’élire un président et six vice-présidents. J’ai été autant attentif qu’il est permis de l’être et mes petits camarades pourront témoigner de mon attention.

Alors je vais faire bref : JE N’AI PAS ENTENDU UNE SEULE FOIS PRONONCER LE MOT CULTURE !  ( Ca y est vous avez compris le titre). Aussi vais-je conclure sur un ton légèrement  moins correct et moins élégant, dans un registre plus énervé, un brin urticant comme se plait à le dire un mien collègue. Qu’y a-t-il de pire : un pays géré par des malades qui arment leur pistolet quand ils entendent le mot culture ou un pays où des élus l’ont rayé de leur vocabulaire ? Un pays où on brûle les livres ou un pays  où on va finir par ne plus en trouver alors qu’on a trois piscines pour dix-huit communes et toujours aucune librairie entre Strasbourg et Saint-Dié ?

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Cucaracha attitude…

Heureusement que le nouveau patron du PS a attendu le retour du big boss du Mexique pour filer la métaphore douteuse, car on se prenait un incident diplomatique en plein vol…

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